La célébration du Maoulid au campu de l'Université Abdou Moumouni de Niamey
C’est dans la nuit du 21 au 22 novembre 2020 (de 21H à l’aube), que la Zawiya des Etudiants Nigériens à l’Université de Niamey (une association regroupant les étudiants soufis) a célébré le Maoulid du Prophète Mohamed (PSL). Cette festivité a eu lieu près d’un mois après la date officielle de la naissance du Prophète de l’islam. Ce décalage est sciemment choisi pour permettre aux étudiants de la congrégation, d’assister aux différentes célébrations organisées par les cheikhs de la ville de Niamey à des dates différentes et celles organisées par certains cheikhs des autres localités du pays. En plus des étudiants de l’université hôte et de leurs responsables syndicaux, étaient présents : les étudiants de l’université islamique de Say, les étudiants de l’école des mines, des industries et de la géologie (EMIG) de Niamey et les fidèles non scolaires venus de la ville.
Le Maoulid, c’est la fête d’anniversaire du Prophète Mohamed (PSL). À cette occasion, les fidèles se réunissent pour lire le Coran et la biographie du Prophète. Ils lui dédient aussi des chants. Organisée chaque année, cette célébration est d’une grande importance pour les fidèles soufis de façon générale, et pour les tidjanes en particulier. Elle constitue par ailleurs, l’un des points de discorde entre les soufis et les réformistes musulmans.
La célébration du Maoulid au campus universitaire de Niamey a eu lieu dans un espace qu’on appelle ‘’l’Arrêt des bus’’. Ce jour-là, pour la circonstance, cet endroit fut décoré des photos des cheikhs Tidjanes et des versets du coran calligraphiés sur des banderoles, dès l’après-midi. Aussi, des chants en l’honneur du Prophète (waqe) résonnaient dans des grands baffles de la sonorisation. Ce qui tient lieu d’un côté d’information des pensionnaires de la cité universitaire de la tenue d’un évènement de taille et de l’autre côté cela suscite la curiosité des passants. Ce soir-là, les occupants habituels (tabliers, vendeurs des accessoires du téléphone et les motos) de ‘’l’Arrêt des bus’’ ont cédé la place aux chaises, canapés de luxe et aux hangars en bâches. Les chaises sont disposées en ‘’U’’, ce qui a permis d’étaler des grandes nattes, dans le but d’offrir le maximum des places assises aux fidèles.
À la tombée de la nuit, ‘l’Arrêt des bus’ était comme éclairé par milles ampoules. C’est à ce moment que sont apparus les agents du service de protocole et de sécurité, les ‘yan-agaji’. Ce sont des vigiles volontaires (uniquement des hommes et des garçons) habillés en blanc, qu’on peut voir à des prêches ou autres manifestations religieuses des Tidjanes. Pour toute aide, les fidèles s’adressent à eux.
Ce soir, ils sont placés comme pour un jalonnement de l’armée, sur toutes les voies qui débouchent à ‘’l’Arrêt des bus’’. Pour guider les fidèles au lieu de la cérémonie, ils tiennent dans leurs des lampes bicolores LED. C’est à eux aussi, que revient la tâche d’accueillir et d’orienter les étudiants et les invités vers les places qui leur sont réservées.
Vers 21 heures, les étudiants commencent à arriver sur les lieux, en attendant l’arrivée des personnalités religieuses de marque. Habillés en tenue de fête et chapelets dans les mains pour la plupart - un jalap avec un bonnet - ils s’accueillent sourire aux lèvres. Les filles sont assises dans un angle, un peu à l’écart des rangées des hommes. Elles se cachent derrière leurs hidjabs qui couvre tout leur corps, sauf le visage. Certaines d’entre elles ont épinglé sur leurs hidjabs les images du Cheikh Ibrahim Niasse du Sénégal (guide spirituel des Tidjanes).
Il était 21h 32mn, quand mélodieusement répétée par un groupe d’étudiants, la haylala retentit. Cette dernière est la répétition de la formule de l’unicité d’Allah qui peut être traduite en français par ‘’il n’y a point de divinité digne d’adoration hormis Allah’’. Elle est le plus souvent répétée par les soufis lors de leur culte d’adoration quotidien (le wird). Elle est aussi récitée lors des célébrations de grande importance (dont le Maoulid). Le groupe avance perçant la foule. Toute l’assistance se lève pour accueillir l’invité de marque.
C’est un homme habillé d’un grand boubou blanc et un burnous noir. Il a un turban blanc sur la tête et un long chapelet dans les mains. Ses chaussures, ôtées pour ne pas marcher avec sur les nattes, sont portées par un élément d’agaji. Et, c’est lui, qui guide avec politesse l’illustre hôte à sa place. Une fois installé, comme pour faire allégeance, les étudiants (un à un ou par groupes) partent le saluer. Je chuchote pour demander à un étudiant l’identité de cet invité. Il me répond avec un ton plein d’admiration, que : ‘’c’est le Cheikh Barhama, l’une des personnalités soufies les plus respectées de la ville de Niamey ‘’. ‘’Cheikh’’ est le plus grand titre auquel puisse aspirer un leader soufi. Cette scène d’accueil-installation est répétée à chaque fois qu’arrive un cheikh. Environ une dizaine, au nombre de ces invités de marque, on peut citer : les cheikhs de la ville de Niamey (Cheikh Malam Habib, Cheikh Moussa Souleymane, Cheikh Maki), un Cheikh venu de Zinder et ceux venus des villes nigérianes de Kano, de Makurdi et de Kampa. Parmi les étrangers, il y avait un Charifi (descendant de la famille du Prophète) et le Khalifa (remplaçant ou successeur) de Fadar Bagué (un chanteur nigérian réputé dans les waqe) décédé il y a quelques années.
Après l’installation des invités, le président de la zawiya a pris la parole en premier pour souhaiter la bienvenue aux participants, avant d’adresser des remerciements spéciaux aux Cheikhs pour avoir honoré de leurs présences la cérémonie. Puis, il a invité les étudiants à écouter avec attentions les différents prêches. Les interventions des cheikhs ont porté sur la vie du prophète, l’importance du Maoulid en islam et les leçons à tirer de la vie du Prophète Mohamed (PSL). Chacun en fonction de son expérience a abordé un thème qu’il juge important pour la circonstance.
Les étudiants, eux, ils ont agrémenté la nuit avec des chants religieux (diwani). Ils se mettent en cercle pour chanter les louanges du Prophète et faire la haylala. L’assistance souvent répète avec eux dans un ton harmonieux. Moi, je ne connais pas ces chants, sinon je les aurai accompagnés. Touchés par les sens des chants qu’ils entonnent, certains étudiants se tapent la poitrine pour se galvaniser. Mais certains participants les encouragent en les gratifiant des billets de banque. Un temps fut aussi accordé aux étudiantes pour prester. Une d’entre elles, assise depuis sa chaise, chante les louanges du Prophète Mohamed en langue hausa dans une voix qui a conquis l’assistance. Elle fut accompagnée par deux de ses consœurs. L’une, émue par le sens des mots, pleura dans son chant. Il a fallu que le micro lui soit retiré. Il fut, par la suite, passé à une autre étudiante qui a chanté sur l’importance de la lecture du Coran. Elle aussi fut emportée par la même émotion que la première.
Durant la veillée, les étudiants partent un à un ou par groupes restreints auprès des différents cheikhs ou du Charifi pour avoir leur bénédiction. Otant les chaussures et leurs bonnets en signe de respect, ils s’accroupissent devant eux en les saluant. En guise de reconnaissance, les cheikhs les demandent de se relever. Ensemble, ils font une fatiha (prière) les paumes ouvertes au ciel. Après cela, ils reviennent vers leurs camarades tous souriants. J’étais surpris de voir le respect que ces étudiants fidèles manifestaient à leurs leaders religieux et surtout au Charifi. Je ne cesse de me demander comment est-ce qu’un Nigérian de peau noir et n’ayant aucun trait morphologique d’arabe, peut-il être descendant de la famille du Prophète Mohamed ? J’ai posé cette question aux étudiants qui se trouvaient à côté de moi, pour lever le doute. Selon eux, la généalogie remonte à la famille d’Ali, le cousin du Prophète et son quatrième calife. En effet, cette famille, un moment de l’histoire a migré de l’Arabie vers l’Egypte fuyant les persécutions. A travers les mariages avec les communautés, ses membres se sont éparpillés à travers l’Afrique du Nord et de l’Ouest. C’est ainsi que certains membres se sont retrouvés au Nigéria.
Avant de quitter, à la demande des étudiants, le Cheikh Maki renouvèle symboliquement le vœu adhésion des étudiants à la tariqa-tidjaniya. Il a également ‘’donné’’ symboliquement cette tariqa à ceux qui aspirent y adhérer. Ils étaient des dizaines à s’accroupir devant lui pour recevoir l’adhésion ou son renouvellement. Il a quitté en laissant derrière lui des étudiants dont la foi est raffermie par cette bénédiction. Ils étaient nombreux à manifester leur joie et satisfaction après cet acte symbolique. Je n’ai pas pu contenir mon étonnement face à cela. J’étais surpris de voir des étudiants qui, après les propos du cheikh, se félicitent mutuellement ‘’barka, barka !’’, comme s’ils sont admis à un examen académique. Ceci m’a donné l’occasion de mesurer combien cette adhésion est importante pour ces étudiants.
Vers 3h du matin, il est servi à manger aux participants. Ce qui a permis de faire le plein d’énergie pour la suite de la veillée. Elle se poursuit par la lecture et traduction du livre ‘’Faydoul ahmadi’’ écrit par Ibrahim Niasse, le Sénégalais. Il est lu en arabe par le président de l’association et traduit en hausa par le Cheikh de Zinder. À l’annonce de l’heure de la prière de l’aube, les étudiants ont renouvelé leurs ablutions rituelles pour la prière. Cette dernière fut dirigée par le Cheikh de Zinder.
C’est ainsi qu’a pris fin la célébration du Maoulid de 2020, organisée par la Zawiya des étudiants de l’université Abdou Moumouni de Niamey. Ils se sont dispersés dans la satisfaction, la joie aux cœurs avec l’espoir de revivre une telle expérience l’année prochaine. La présente célébration est ma première expérience après plusieurs années de vie à l’université et de rupture avec mon background familial. J’ai en effet grandi dans une famille Tidjane. Je participais à ce genre de célébrations avec mes frères, mes amis et mes parents. Mais avec le temps, j’ai arrêté de participer, après avoir pris une autre voie : le salafisme qui condamne une telle festivité. C’est pourquoi, cette rencontre m’a rappelé mes souvenir d’enfance lorsque nous assistions au Maoulid avec ses amis.
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